COMMUNIQUE DE PRESSE DE L’OBSERVATOIRE SAFIDY PAR RAPPORT AU PROCESSUS ELECTORAL ACTUEL

COMMUNIQUE DE PRESSE DE L’OBSERVATOIRE SAFIDY PAR RAPPORT AU PROCESSUS ELECTORAL ACTUEL
COMMUNIQUE DE PRESSE DE L’OBSERVATOIRE SAFIDY PAR RAPPORT AU PROCESSUS ELECTORAL ACTUEL


Antananarivo, le 25 avril 2019.

I.     Rappel de la méthodologie et des missions de l’Observatoire SAFIDY

L’Observatoire des élections SAFIDY (Sampana Anaraha-maso ny Fifidianana, Ivon’ny Demokrasia Ifarimbonanana) regroupe les organisations de la société civile s’engageant dans l’observation des élections de manière indépendante, impartiale et objective. Safidy a pour objectif de contribuer à ce que les élections soient facteurs de paix, de bonne gouvernance, de développement durable et inclusif. Ses principales missions consistent à (i) observer toutes les étapes du processus électoral, (ii) émettre  des recommandations à partir des constats d’observation dans le but de promouvoir le respect des valeurs démocratiques et des principes de l’Etat de droit et (iii) éduquer et sensibiliser les citoyens.

L’Observatoire SAFIDY va assurer l’observation des élections à venir à Madagascar en déployant plus de 5 000 observateurs issus des Plateformes et OSC nationales, régionales et locales, intervenant dans tout le territoire national. Safidy combine plusieurs méthodes en procédant à des analyses politiques, à une revue approfondie de la documentation, des observations directes, une exploitation de fiches d’observations et des signalements via les numéros verts et les réseaux sociaux.  

II.  Rapport préliminaire d’observation

1.      Respect des droits humains

Risque d’atteinte au droit à l’information des électeurs, base d’un choix éclairé. Le projet de révision de la Constitution n’est pas publié jusqu’à ce jour (J-1 de la date du commencement de la campagne référendaire). Le chevauchement des deux campagnes électorales peut prêter à confusion et rendre irréaliste la présentation de toutes les dispositions constitutionnelles à modifier.

Absence de consultation dans l’élaboration du projet de révision de la Constitution et non-respect des droits politiques des citoyens. Selon la Constitution, « la démocratie et le principe de l’Etat de droit constituent le fondement de la République de Madagascar[1]. La souveraineté appartient au peuple, source de tout pouvoir, qui l’exerce par ses représentants élus au suffrage universel direct ou indirect, ou par la voie du referendum[2] » et aux termes de l’article 25 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP), “les citoyens ont le droit et la capacité de gérer les affaires de l’État (…)”. En principe, les parties prenantes sont systématiquement consultées en matière d’élaboration de lois ordinaires. Or, la consultation référendaire est inexistante dans les actions d’éducation électorale en cours. Cet aspect de l’éducation est négligé. Ainsi, les citoyens ne sont pas en connaissance de cause pour un choix éclairé. Quelle valeur donner alors au projet de révision de la Constitution sans une large consultation préalable car la Constitution est la loi fondamentale et suprême de l’Etat[3]. Elle concerne l’ensemble du peuple malagasy. 

2.      Contexte et environnement socio-politique

Dualité entre consolidation de la paix et de la démocratie confortée par l’acceptation des résultats des  présidentielles 2018 et environnement de contestation liée au processus référendaire précipité. En dépit des irrégularités constatées, les partis politiques et les citoyens ont accepté unanimement les résultats de l’élection présidentielle pour principalement préserver la paix et la stabilité. L’annonce d’un  référendum déclenché à une semaine de la période de campagne sans aucune consultation préalable des parties prenantes crée un environnement de divergence, d’exclusion et des réactions de contestation de plus en plus virulente.  

Situation exceptionnelle causée par un vide institutionnel. La HCC dans sa décision du 13 février 2019 concernant la loi n°2019-001 déléguant le pouvoir de légiférer au Président de la République confirme l’état de  « situation exceptionnelle » due à  l’absence de l’Assemblée Nationale. Sur ce point, l’article 163 in fine de la Constitution prévoit que « Les pouvoirs exceptionnels détenus par le Président de la République dans les circonstances exceptionnelles ou de trouble politique ne lui confèrent pas le droit de recourir à une révision Constitutionnelle ».

3.      Cadre juridique :

Absence d’encadrement juridique sur la pré-campagne électorale et plafonnement des dépenses de campagne. L’observatoire SAFIDY a dénoncé  maintes fois le vide juridique sur la période de  pré-campagne  et le plafonnement des dépenses électorales dans la loi électorale actuellement en vigueur. Cela donne lieu aux campagnes avant l’heure qui portent atteinte au principe d’égalité des chances, dérives dénoncées par la CENI et la HCC sans prise de mesures.

Modification du système électoral des élections législatives à travers l’adoption d’une nouvelle loi. Le gouvernement a soumis au parlement un projet de loi modifiant et complétant la loi 2018-010 relative à l’élection de l’Assemblée Nationale. Après avoir été adoptée par la majorité des membres des deux chambres, le Président a promulgué la nouvelle loi en février 2019. Cette dernière porte principalement sur la modification du système électoral majoritaire à un tour en un système électoral mixte, c’est-à-dire un système majoritaire pour les circonscriptions à un siège à pourvoir, et un système proportionnel pour les circonscriptions à deux sièges à pourvoir. Le choix d’un système électoral simple recommandé par la commission consultative et repris dans l’ancienne loi 2018-010, a été modifié par la nouvelle portant référence 2019-002 alors que cette recommandation a été établie de manière consensuelle par différents acteurs sur la base des inconvénients et risques présentés par les systèmes proportionnels.

Absence de loi relative à l’élection référendaire. Contrairement aux autres catégories d’élections[4], l’élection référendaire n’a pas fait l’objet d’adoption d’une loi fixant les règles spécifiques à sa tenue. Or, il peut s’agir d’une opportunité de capitalisation des textes juridiques concernant le référendum (les conditions de révision de la Constitution, la constitution des comités de soutien, la durée et la règlementation de la campagne électorale, la publication des résultats, le contentieux).

Non-respect du délai légal de convocation des électeurs pour le référendum. Sur le respect de la convocation des électeurs : l’article 51 de la loi n°2018-008 relative au régime général des élections et des référendums prévoit la convocation des collèges électoraux, 90 jours au moins avant la date du scrutin pour toutes les catégories d’élection. Le décret de convocation des collèges électoraux pour les élections législatives prévues se tenir le 27 mai 2019 a été publié le 1er février 2019 (115 jours) tandis que le décret de convocation des électeurs pour le référendum en vue de la révision constitutionnelle prévu se tenir le même jour n’a été publié que le 19 Avril 2019, soit 39 jours.

Problèmes liés à la mise en place de la formation non permanente, autre collège composant la CENI. La loi n° 2015-020 relative à la CENI prévoit la mise en place d’une formation non permanente composée par des représentants des comités de soutien ou des partis politiques concourant aux élections[5]. Ces derniers sont invités par le bureau permanent à siéger au sein de la CENI dès la publication du décret portant convocation des électeurs jusqu’à la proclamation provisoire des résultats.[6] Pour une consultation référendaire, les représentants des comités de soutien siège au sein de la CENI au niveau central et au niveau des démembrements. Pour les élections législatives, le niveau de siège n’a pas été précisé mais en réalité, la CENI l’a intégré au niveau des districts. La mise en œuvre de ces dispositions peut poser des problèmes dans la pratique (les procédures d’invitation, la présence lors des prises de décisions et la participation aux débats, le lieu de délibération des décisions au niveau central).

4.      Administration électorale

Précipitation dans l’organisation de l’élection référendaire. Une précipitation de la CENI est observée actuellement par rapport à l’organisation de l’élection référendaire. D’une part, elle n’a fait aucune déclaration officielle sur la possibilité pratique de la tenue des deux élections ensemble, d’autre part, elle a tout de suite pris des mesures quant à sa réalisation. Ainsi, la CENI a tenu le 24 avril 2019 dans ses locaux à Nanisana le tirage au sort du rang de prises des paroles des comités dans les médias publics, avant même que ces conditions légales et organisationnelles ne soient remplies : le projet de modification n’est pas officiellement sorti et les Comités de soutien « pour » ou « contre » sont encore inconnus.  

Absence de proposition de date de la part de la CENI sur la tenue des élections référendaires. La décision de la date pour la tenue d’une élection ou référendum doit se faire après consultation du projet de calendrier électoral présenté par la CENI selon l’article 51 de la loi n°2018-008. La publication de la date de la tenue du référendum s’est faite suite à un conseil des ministres et non pas suite à une proposition communiquée ou publiée par la CENI.

Recul de la CENI par rapport au respect des normes de bonne gouvernance électorale qu’elle s’est fixée. La transparence et l’inclusivité et le respect des lois font parties des normes que la CENI s’est fixée pour une meilleure gestion électorale. Certaines bonnes pratiques lors des élections présidentielles n’ont pas été plus suivies par l’institution notamment la publication d’un chronogramme détaillé, l’organisation des cadres de concertation.  

III.  Recommandations

Capitalisation des acquis de la CENI pour une crédibilisation du processus. La CENI a réalisé des efforts considérables en matière d’indépendance, de transparence et de professionnalisme à travers une planification lors de l’élection présidentielle 2018 pour le calendrier électoral. Aussi, Safidy recommande la capitalisation des acquis de la CENI, notamment dans la proposition du calendrier du référendum constitutionnel.

Respect des droits des citoyens à l’information et à la participation : Des espaces et des délais suffisants doivent être réservés pour consulter les parties prenantes et les citoyens pour toutes questions relatives à une révision de la Constitution.      

Après échanges et consultations préalables entre les différents acteurs et parties prenantes, élaborer et valider la loi relative à l’élection référendaire. A l’instar des autres élections présidentielles et législatives et certainement pour les communales, il faut aussi avoir une loi qui va régir l’élection référendaire pour la révision de la Constitution.

Respect du cadre légal en vigueur notamment sur le délai minimum de 90 jours requis par les lois pour la convocation des électeurs tel que stipulé dans notre analyse.

SAFIDY est coordonné par 10 organisations de la société civile : MSIS Tatao, AIM, PFNOSCM, DRV, YMCA, FTMF, CEDII, ONG RAVINTSARA, ONG IVORARY, OPTA, à travers la mise en œuvre des projets FANOA et FANDIO financés par l’Instrument Européen pour la Démocratie et les Droits de l’Homme (IEDDH).

Le présent communiqué a été élaboré avec le financement de l’Union européenne. Le contenu du rapport relève de la seule responsabilité des 10 Organisations de la Société Civile malagasy : AIM, PFNOSCM-Vohifiraisana, DRV, YMCA, FTMF, CEDI, MSIS-tatao, ONG Ravintsara, OPTA et ONG Ivorary et ne peut aucunement être considéré comme reflétant le point de vue de l’Union européenne.


[1] Article 1, alinéa 2, de la Constitution de la IVème République du 11 décembre 2010.

[2] Article 5 de la Constitution de la IVème République du 11 décembre 2010.

[3] Article 162 de la Constitution de la IVème République du 11 décembre 2010. – L’initiative de la révision, en cas de nécessité jugée impérieuse, appartient soit au Président de la République qui statue en Conseil des Ministres, soit aux Assemblées parlementaires statuant par un vote séparé à la majorité des deux tiers des membres.

Le projet ou proposition de révision doit être approuvé(e) par les trois quarts des membres de l’Assemblée Nationale et du Sénat.

Le projet ou la proposition de révision ainsi approuvé(e) est soumis à référendum.

[4] Election présidentielle et législative

[5] Art 24 loi 2015-020 CENI,

[6] Art 30 et 32 loi 2015-020 CENI

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