Discours de Madame Bakolalao Ramanandraibe

La Convention de l’Union Africaine sur la Prévention et la Lutte Contre la Corruption (CUAPLC) a été ratifiée par Madagascar le 6 octobre 2004, peu après la signature par l’Etat Malgache de la Convention des Nations Unies sur la Lutte Contre la Corruption dite Convention de Mérida, le 10 décembre 2003 et sa ratification le 22 septembre 2004.

Bien avant l’entrée en vigueur de la CUAPLC, le 5 août 2006, l’Etat Malgache avait déjà :

La Chaîne Pénale Anti-Corruption (CPAC) a été instituée au niveau du système judiciaire, à titre d’expérimentation en 2004, pour préparer ultérieurement la mise en place d’une structure pérenne, le Pôle Anti-Corruption (PAC) Cf. présentation de Mme la Coordonnatrice du Pôle Anti-Corruption (PAC).
Madagascar a mis en place son Service de Renseignements Financiers, Sampana Malagasy Iadiana amin’ny Famotsiam-bola (SAMIFIN) – inauguré officiellement le 18 juillet 2008. Une législation sur le blanchiment de capitaux a été élaborée (loi n° 2004-020 du 19 août 2004 sur le blanchiment, le dépistage, la confiscation et la coopération internationale en matière de produits du crime). Le cadre juridique a été ultérieurement amélioré par les lois sur le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (lois n° 2014-005 du 17 juillet 2015 portant lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée et n°2018-043 du 13 février 2019 sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme). Madagascar a d’ailleurs ratifié les Traités et Conventions internationaux sur la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée dont principalement la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée dite Convention de Palerme.
Une nouvelle loi n° 2016-020 du 22 août 2016 sur la LCC est venue compléter l’arsenal législatif sur la déclaration de patrimoine, a étendu la liste des infractions de corruption et mis en place une politique interne de LCC au niveau des ministères et administrations, pour plus de transparence et de redevabilité.
La législation régissant le recouvrement des avoirs illicites, et portant création de l’Agence de Recouvrement des Avoirs Illicite (ARAI) est récente, et comme M. le Directeur Général de l’ARAI va en parler je ne vais pas aborder le chapitre.
S’agissant des avancées au niveau des Organisations de la Société civile (OSC) engagées dans la LCC, l’ONG Tolotsoa a reçu le prix numérique international de lutte contre la corruption en 2017 et le prix de la 5ème édition de l’International Anti-Corruption Excellence Award – dans la catégorie créativité et engagement des jeunes en 2020.
Si Madagascar peut être considéré comme un pionnier dans la mise en place des structures de LCC, dans le renforcement de son cadre juridique, et l’institution de mécanismes de contrôle plus efficaces, qu’en est-il du bilan de ces presque 2O années de lutte, et quels sont les perspectives, enjeux et défis ?
N’exerçant plus aucune fonction publique, et ayant ainsi plus de distance par rapport à mes cadets qui sont encore sous les feux de l’action, mon point de vue sera certainement divergente des leurs. Je rappelle que je parle aussi ici en tant que membre actif de la société civile, et je dois rapporter certaines des préoccupations des OSC sur la LCC à Madagascar.

𝗕𝗜𝗟𝗔𝗡 𝗗𝗘𝗦 𝟮𝟬 𝗔𝗡𝗡𝗘𝗘𝗦 𝗗𝗘 𝗟𝗖𝗖 :

𝗣𝗘𝗥𝗦𝗣𝗘𝗖𝗧𝗜𝗩𝗘𝗦, 𝗘𝗡𝗝𝗘𝗨𝗫 𝗘𝗧 𝗗𝗘𝗙𝗜𝗦 :
L’expérience du Botswana démontre que, pour réussir, la LCC doit impliquer non seulement les institutions mais aussi les acteurs non-étatiques, y compris le secteur privé, la société civile, les médias et, surtout, tous les citoyens.
La CUAPLC met d’ailleurs l’accent sur la nécessité de renforcer la contribution et l’implication de la société civile dans le mécanisme de mise en œuvre des politiques anti-corruption.
La corruption s’est aggravée en Afrique et à Madagascar principalement, et on n’a jamais pu la juguler. Le bilan présenté est lourd, la corruption est endémique et gagne du terrain, tout le monde est touché en tant qu’acteur ou victime. Les détournements qui se chiffraient à des millions d’Ariary au début de la LCC se chiffrent actuellement à des milliards d’Ariary. Certaines pratiques constitutives de corruption ne sont pas considérées comme telles, par exemple lors de la célébration d’un mariage, les nouveaux époux offrent une enveloppe contenant de l’argent au Maire pour son office, mission rentrant dans l’exercice normal de ses fonctions. Les valeurs sont inversées, celui qui ne profite pas de son poste pour s’enrichir par la corruption est considéré comme étant un
« Ravasalahy » – un imbécile !


Pourquoi en est-on arrivé là et que faut-il faire ?
Il est évident qu’il faut réfléchir sur l’approche stratégique car considérer la LCC dans sa simple dimension de lutte contre une infraction pénale est une erreur, d’autant plus qu’actuellement pour des mêmes faits, certains auteurs sont poursuivis, d’autres pas… Il faut préciser que si la subordination hiérarchique des membres du Parquet leur impose d’effectuer les poursuites requises par le Ministre de la Justice ou le Parquet Général, ces autorités ne peuvent pas donner l’ordre de ne pas poursuivre.
Le modèle PRECIS développé dans la 1ère SNLCC avait mis en exergue un certain nombre d’exigences stratégiques qui semblent un peu être perdues de vue :


𝑀𝑚𝑒 𝐵𝑎𝑘𝑜𝑙𝑎𝑙𝑎𝑜 𝑅𝐴𝑀𝐴𝑁𝐴𝑁𝐷𝑅𝐴𝐼𝐵𝐸 𝑅𝐴𝑁𝐴𝐼𝑉𝑂𝐻𝐴𝑅𝐼𝑉𝑂𝑁𝑌
𝑃𝑟𝑒́𝑠𝑖𝑑𝑒𝑛𝑡𝑒 ℎ𝑜𝑛𝑜𝑟𝑎𝑖𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝐶𝑜𝑢𝑟 𝑑𝑒 𝑐𝑎𝑠𝑠𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝐶𝑜𝑢𝑟 𝑆𝑢𝑝𝑟𝑒̂𝑚𝑒,
𝐴𝑛𝑐𝑖𝑒𝑛 𝐺𝑎𝑟𝑑𝑒 𝑑𝑒𝑠 𝑆𝑐𝑒𝑎𝑢𝑥, 𝑀𝑖𝑛𝑖𝑠𝑡𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝐽𝑢𝑠𝑡𝑖𝑐𝑒,
𝐴𝑛𝑐𝑖𝑒𝑛𝑛𝑒 𝑃𝑟𝑒́𝑠𝑖𝑑𝑒𝑛𝑡𝑒 𝑑𝑢 𝐶𝑜𝑛𝑠𝑒𝑖𝑙 𝑆𝑢𝑝𝑒́𝑟𝑖𝑒𝑢𝑟 𝑑𝑒 𝐿𝑢𝑡𝑡𝑒 𝐶𝑜𝑛𝑡𝑟𝑒 𝑙𝑎 𝐶𝑜𝑟𝑟𝑢𝑝𝑡𝑖𝑜𝑛 (𝐶𝑆𝐿𝐶𝐶), 𝑝𝑢𝑖𝑠 𝑑𝑢 𝐶𝑜𝑚𝑖𝑡𝑒́ 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑙𝑎 𝑆𝑎𝑢𝑣𝑒𝑔𝑎𝑟𝑑𝑒 𝑑𝑒 𝑙’𝐼𝑛𝑡𝑒́𝑔𝑟𝑖𝑡𝑒́ (𝐶𝑆𝐼),
𝐴𝑛𝑐𝑖𝑒𝑛 𝐷𝑖𝑟𝑒𝑐𝑡𝑒𝑢𝑟 𝐺𝑒́𝑛𝑒́𝑟𝑎𝑙 𝑑𝑒 𝑙’𝐸𝑐𝑜𝑙𝑒 𝑁𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑎𝑙𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑀𝑎𝑔𝑖𝑠𝑡𝑟𝑎𝑡𝑢𝑟𝑒 𝑒𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝐺𝑟𝑒𝑓𝑓𝑒𝑠 (𝐸𝑁𝑀𝐺),
𝑃𝑟𝑒́𝑠𝑖𝑑𝑒𝑛𝑡𝑒 𝑑𝑢 𝐶𝑜𝑛𝑠𝑒𝑖𝑙 𝑑’𝐴𝑑𝑚𝑖𝑛𝑖𝑠𝑡𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑑𝑒 𝑙’𝑂𝑁𝐺 𝐼𝑉𝑂𝑅𝐴𝑅𝑌, 𝑃𝑟𝑒́𝑠𝑖𝑑𝑒𝑛𝑡𝑒 𝑑𝑢 𝐶𝑜𝑛𝑠𝑒𝑖𝑙 𝑑’𝐴𝑑𝑚𝑖𝑛𝑖𝑠𝑡𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑑𝑒 𝑙’𝑂𝑁𝐺 𝑇𝑜𝑙𝑜𝑡𝑠𝑜𝑎,
𝑀𝑒𝑚𝑏𝑟𝑒 𝑓𝑜𝑛𝑑𝑎𝑡𝑟𝑖𝑐𝑒 𝑑𝑢 𝑀𝑜𝑢𝑣𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑙’𝐸𝑡ℎ𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑒𝑡 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝐷𝑒́𝑜𝑛𝑡𝑜𝑙𝑜𝑔𝑖𝑒 𝑑𝑒 𝑀𝑎𝑑𝑎𝑔𝑎𝑠𝑐𝑎𝑟 (𝑀𝐸𝐷𝐸𝑀),
𝑃𝑟𝑒́𝑠𝑖𝑑𝑒𝑛𝑡𝑒 𝑑𝑒 𝑙’𝐴𝑠𝑠𝑜𝑐𝑖𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑙𝑎 𝑆𝑎𝑢𝑣𝑒𝑔𝑎𝑟𝑑𝑒 𝑒𝑡 𝑙𝑎 𝑃𝑟𝑜𝑡𝑒𝑐𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑑𝑒 𝑙’𝐸𝑛𝑓𝑎𝑛𝑐𝑒 (𝐴𝑆𝑃𝐸).